Les greniers ne servaient pas seulement à l’entreposage du fruit des récoltes de la ferme. On y déposait aussi des objets de valeur. Ces petites constructions, souvent richement décorées, sont de précieux témoins de la maîtrise des artisans de l’époque. En leur donnant une nouvelle affectation, on assure leur conservation.

Depuis le Moyen Âge, le grenier est un accessoire important de la ferme. Dans cette petite construction sans fenêtres, jusqu’au début du 20e siècle, on conservait également les vivres, les draps de lin, les vêtements et d’autres objets de valeur, comme par exemple des documents écrits.
Les comptes rendus de vols commis à l’époque nous montrent que l’on venait y dérober non tant du grain, mais de préférence du drap et des habits. Les greniers étaient généralement situés légèrement en retrait, à portée de vue depuis la chambre de séjour. Souvent aussi, ces ouvrages décorés s’affichaient comme des pièces d’exposition près de la route, bien visibles de tous.
Le bois, un matériau de construction précieux
On trouvait déjà des greniers à acheter au 18e siècle, ainsi que nous l’apprennent des documents écrits. Ils étaient considérés comme un bien meuble et leur type de construction en madriers, à poteaux ou mixte les rendait assez faciles à démonter et à déplacer. Les demi-rondins utilisés dans les constructions à poteaux se prêtaient particulièrement bien à des remplois. Des analyses dendrochronologiques effectuées par le Service archéologique montrent qu’au début du 18e siècle déjà, on sciait des demi-rondins endommagés pour les insérer dans de nouveaux assemblages de poteaux.
Un grenier à Bätterkinden en est un bon exemple. Les datations dendrochronologiques de diverses pièces de chêne et d’épicéa s’accordent avec le millésime 1746 gravé sur l’aisselier de la panne faîtière et indiquant l’année de construction. Mais on a réutilisé alors des demi-rondins d’une construction plus ancienne datant de 1637. Par comparaison avec d’autres types, la construction uniquement faite de demi-rondins en guise de madriers exigeait une très grande quantité de bois. C’est probablement la raison pour laquelle ce mode de faire ne se rencontre plus guère à partir du milieu du 18e siècle. En revanche, on ne dédaignait pas de réemployer des demi-rondins plus anciens, ce qui témoigne du prix que l’on attachait à ce matériau de construction durable qu’est le bois.
Trouver une affectation appropriée, telle est la question

L’évolution économique et la mécanisation de l’agriculture, à partir du milieu du 19e siècle, ont fait perdre peu à peu aux greniers leur fonction de réserve. La question d’une utilisation appropriée devient dès lors essentielle. Si l’on veut laisser au grenier son aspect extérieur et intérieur, tout projet de reconversion se heurte à des limites. Des jours supplémentaires destinés à améliorer l’éclairage, de même que toute autre installation, portent gravement atteinte à la substance bâtie historique et altèrent le caractère de l’ouvrage. Une utilisation comme logement permanent n’est donc pas envisageable.
Il existe néanmoins des exemples d’affectation adéquate de greniers. Ils peuvent ainsi servir encore à l’entreposage – non plus de grain ou de drap, mais pour divers ustensiles, ou de boutique de vente directe de produits de la ferme, de musée ou encore de lieu d’hébergement au confort rustique. À Landiswil, au milieu du village, un grenier est devenu un lieu insolite pour la vente de produits fermiers avec un stand de glaces. Le grenier de Heimiswil, maintenant rénové, abrite un petit musée familial où sont exposés des objets de la ferme, de vieux outils et des documents anciens, parmi bien d’autres choses encore.
Un changement d’emplacement comme ultime recours
Un grenier fait partie intégrante d’un domaine rural et de son histoire, aussi un déplacement devrait-il être l’exception, bien que la qualité de la construction facilite généralement une telle opération. S’il y a risque pour la préservation ou si l’environnement d’origine s’est complètement transformé, le déplacement peut être un moyen de sauver un grenier. Il faut toutefois que le nouvel environnement soit adéquat, tant par l’époque des bâtiments que par la situation géographique.
À Wyssachen par exemple, dans le hameau de Stutz, un grenier situé près de la route était fortement menacé par le trafic utilitaire. Il s’élève maintenant, complètement rénové, parmi des arbres fruitiers de l’autre côté de la route. Un grenier de Biglen a été remonté dans la commune voisine d’Arni, après remplacement des pièces de bois les plus dégradées ; il sert maintenant de musée. Et à L’Œuchatte, dans la commune de Petit-Val, un grenier de 1769 a pris aujourd’hui la place du grenier sur cave de la ferme voisine, qu’il n’était pas possible de conserver.
- Der Speicher von 1780 in Wyssachen wurde versetzt (Foto: Arpad Boa, Denkmalpflege des Kantons Bern).Wyssachen – Une maison transportée dans les airs
- Ein Speicher in Petit-Val, L’Oeuchatte von 1769 ersetzt heute einen unterkellerten Speicher des Nachbargehöfts, den man nicht erhalten konnte (Foto: Dominique Plüss).Petit-Val – Démonter et remonter à quelques mètres
Texte : Maria D'Alessandro, Andrea Liechti
Photos : Arpad Boa, Bahoz Issa, Roland Juker, Alexander Kobe, Dominique Plüss, Matthias Schneider
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