Sur la voie qui doit mener à un avenir plus respectueux du climat, la conservation des monuments historiques et l’économie circulaire peuvent profiter l’une de l’autre : il y a des synergies à exploiter par la transmission de connaissances et l’échange de procédures communes fondées sur des métiers traditionnels. Ce sont ces rapports que se propose d’expliquer le présent article, en utilisant l’exemple du dépôt d’éléments de construction.

Le changement climatique oblige de nombreuses branches de l’économie à agir de manière plus durable. Cela concerne aussi la construction, qui est à l’origine d’une quantité considérable d’émissions de CO2 et produit des masses de déchets. La notion d’économie circulaire s’en trouve renforcée : il s’agit, par des cycles fermés, de maintenir le plus longtemps possible la valeur des ressources. Or c’est une préoccupation que partagent les gens de la conservation des monuments historiques et ceux de la branche du bâtiment. La protection et le réemploi des bâtiments historiques et des matériaux de construction sont en parfaite adéquation avec les principes de l’économie circulaire.
Le domaine des monuments historiques apporte sa vaste expérience de la conservation et de la réparation de bâtiments et de matériaux anciens. Il possède des connaissances approfondies sur les constructions d’entretien facile, le stockage, le réemploi et la réparation des éléments de construction. Ainsi familiarisé avec les procédures de la construction circulaire, il a sa place au cœur du débat actuel sur la protection du climat.
Le dépôt d’éléments de construction, une plaque tournante pour le réemploi

L’entreposage d’éléments de construction anciens prévus pour un réemploi constitue une part importante de la conservation des monuments historiques. Le dépôt de Hofwil, ouvert en 1985, en est un excellent exemple. Il abrite une collection d’éléments architecturaux anciens provenant de bâtiments démolis et mis à disposition pour un réemploi dans des monuments historiques. Tous ces éléments ont été soigneusement prélevés, puis systématiquement inventoriés au dépôt. Lorsqu’il y a un réemploi en vue, leur provenance peut donc être retracée.
Le dépôt d’éléments de construction fonctionne comme une plaque tournante pour la réutilisation à des fins de conservation de monuments historiques dans le canton de Berne. Des conseillers ou conseillères du Service des monuments historiques remettent les pièces aux propriétaires, à la condition toutefois que leur immeuble soit inscrit dans le recensement architectural comme digne de protection ou digne de conservation, et que la restauration soit suivie par le Service des monuments historiques du canton ou par celui de la ville de Berne. Une fois livrés sur le chantier, les éléments sont adaptés et mis en place par des spécialistes.
Les dépôts d’éléments de construction dans l’économie circulaire

Les dépôts décentralisés rationnalisent les trajets de transport. La construction circulaire étant basée sur des procédures éprouvées des Monuments historiques, des approches interdisciplinaires peuvent, dans un cas idéal, se développer dans la logistique et dans le traitement de la substance bâtie. Des notions comme celle de « réemploi adaptatif » ou de « conception pour le démontage » favorisent la réutilisation d’éléments de construction. Inversement, les moyens techniques de la construction circulaire pourraient étendre la portée des méthodes de conservation des monuments historiques : les outils de numérisation des informations de la construction (« Building Information Modeling », BIM) ou les passeports pour matériaux ou bâtiments aident à connaître la provenance et la durée de vie des matériaux. Les dépôts d’éléments de construction et la construction circulaire, en une interaction intelligente, contribuent de manière décisive à rendre les processus moins exigeants en ressources et à assurer pour le long terme l’aptitude des matériaux au recyclage.
Les métiers traditionnels : connaissances pratiques pour l’économie circulaire
Dans la construction circulaire, plusieurs principes sont fondés sur les métiers traditionnels et la connaissance des matériaux de construction historiques. Les matériaux réparables et durables, comme le bois ou l’argile, ont toujours été essentiels pour la conservation des monuments historiques. Les savoir-faire traditionnels ont une place importante dans l’économie circulaire. Aujourd’hui plus qu’autrefois, les spécialistes de l’architecture et des métiers sont contraints de s’intéresser aux matériaux durables, aux modes de construction traditionnels et aux techniques de démontage. Les connexions entre la conservation des monuments historiques et l’économie circulaire permettent de maintenir les métiers traditionnels, de les réévaluer et de les adapter aux exigences contemporaines.
- Dépôt d’éléments de construction à Münchenbuchsee, stockage de différentes portes (photo : Martina Bischof).
- Stockage d'éléments de construction à l'extérieur du dépôt (photo : Martina Bischof, Kira Kulik).
- Dépot d'éléments de construction à Münchenbuchsee, collection de différents bois de construction (photo : Martina Bischof, Kira Kulik).
Tirer profit des synergies : un hall de gare pour un projet visionnaire
L’ancien hall du quai de la gare de Herzogenbuchsee, datant du 19e siècle, est une excellente illustration du potentiel de la conservation des monuments historiques dans l’économie circulaire. Jusqu’en 1978, il abritait le quai 1 de la gare et faisait une forte impression avec ses consoles d’acier artistement ouvragées et ses éléments de bois typiques du style chalet. Lors de la construction de la nouvelle gare, il a été soigneusement démonté, puis entreposé en pièces détachées près de Thoune. Il serait donc maintenant possible de réactiver ce hall en tant que « dépôt circulaire d’éléments de construction » : une place d’entreposage et de transbordement pour matériaux de construction recyclables, un lieu pour agir selon le principe de la circularité, qui manifesterait très concrètement l’adéquation entre la conservation des monuments historiques et la durabilité.
Par un processus participatif, il serait possible de concevoir d’autres usages : atelier pour l’entretien des éléments de construction, repair café, lieu d’activités culturelles. Plus que simplement fermer une boucle sur le plan matériel, l’ancien hall de gare servirait ainsi également de forum d’échanges sur la durabilité sociale et écologique dans l’architecture. Et cette idée visionnaire serait aussi une illustration très expressive des avantages que la conservation des monuments et le principe de l’économie circulaire peuvent retirer l’une de l’autre sur la voie qui doit mener à un avenir plus respectueux du climat.
- Le hall du quai de la gare de Herzogenbuchsee, avant son démantèlement en 1978 (photo : source inconnue).
- Stockage décentralisé, près de Thoune (photo : Martina Bischof, Kira Kulik).
- Les composants sont en bon état (photo : Martina Bischof, Kira Kulik).
Le modèle des 10 R : la circularité à la base de la durabilité
La construction circulaire et la conservation des monuments historiques poursuivent un but commun qui est la parcimonie dans l’utilisation des ressources. Le « modèle des 10 R » décrit les principales étapes : conservation, démontage, réemploi et réparation. L’application de ces principes prolonge la durée de vie des matériaux de construction tout en réduisant le besoin de ressources nouvelles. Le recyclage est en dernière position, car le recyclage des composants provoque toujours d’assez importantes émissions de CO2. La construction circulaire mise sur l’utilisation de l’existant, en exigeant des adaptations dans la planification et dans les pratiques. C’est un des moyens de sortir de l’ère de la construction linéaire.

Text und Fotos: Martina Bischof, Kira Kulik
Fachwerk 2024